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Ter Bekke et Behage (et le chat)

Aujourd’hui, je te fais rencontrer le studio éponyme Ter Bekke et Behage, deux graphistes néerlandais qui travaillent en France.

Leur collaboration a commencé dans les années 90, et ils explorent ensemble la communication sous ses facettes les plus variées : identité visuelle, affiche, édition électronique, site multimédia, scénographie, signalétique… Leur préoccupation première : la mise en avant du sujet, avant même leur signature graphique propre (même si celle-ci est identifiable dans le travail de la lettre, des lignes fortes, des couleurs tranchées…).

Interviewés par Designboom , Evelyn Ter Bekke et Dirk Behage expliquent qu’exiger la liberté totale est certainement une erreur des graphistes professionnels. « Elle éloigne de l’objet et place le graphiste au centre de la scène ». Un écueil à éviter donc, en faveur d’un dialogue et d’une confiance à construire entre créateur et commanditaire.

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Pour les campagnes d’affichage pour le théâtre La Colline que tu peux voir dans le métro (difficile de passer à côté),  l’absence d’images te dit deux choses : la première est que le théâtre est tout d’abord le lieu du texte, des mots. Et la seconde est qu’on te présente l’unité du théâtre, son identité artistique et culturelle dans la ville, plutôt que la pièce elle-même.

Le travail d’affiche, de signalétique et de scénographie réalisé pour le musée national de la préhistoire en Dordogne, utilise une typographie segmentée, qui vient perturber quelque peu la lecture du mot « préhistoire »: l’idée est  de signifier que nous connaissons cette période par bribes, que nous n’en n’avons pas une connaissance entière, qu’il manque des pièces au puzzle, mais néanmoins, nous sommes en mesure de la décoder.

Leur travail a été exposé en 2012 au Portique, lieu d’art contemporain au Havre, mais les deux graphistes insistent sur le fait qu’il se vit en société, dans la rue, dans la boîte aux lettres, que leurs créations existent dans un contexte, qu’elles ne se situent pas dans un rapport tel que peut le proposer un travail « beaux-arts », où un œil regarderait une œuvre, en soi. 

Je te laisse les découvrir en vidéo, où ils t’expriment leur intérêt à s’immerger dans l’univers pour lequel ils travaillent une communication visuelle,  la différence entre un commanditaire et un client, la distinction d’approche entre une communication commerciale et une communication culturelle, et surtout, ils t’expliquent l’importance du chat, dans ta vie.

A bon entendeur,

bisous

les images sont issues de leur site : http://www.terbekke-behage.com

The Happy Show

In a world* où crise, pollution, agression, insuffisances politiques et autres sujets anxiogènes  nourrissent le fil des actualités, l’annonce de l’exposition de Sagmeister à la Gaité Lyrique, doucement nommée « The Happy Show », nous fait l’effet d’une petite fleur dans un champ de goudron : comment va t-elle résonner dans notre quotidien ? Aura t-elle le goût de la trop rose fraise tagada, ou saura t-elle nous ramener à juste mesure aux petits bonheurs que nous ne saurions voir au jour le jour?

J’ai découvert le nom de Sagmeister lorsque je suivais le cours d’histoire du graphisme de Guillaume-j’ai-oublié-ton-nom à LISAA (une école parisienne d’arts appliqués où j’ai entrainé ma créativité une année) : Sagmeister est un graphiste qui n’utilise pas son talent aux seules fins commerciales, mais qui cherche à questionner, toucher les personnes par son travail. Je me souviens particulièrement de la présentation de la campagne de publicité qu’il avait mené, pour laquelle il avait proposé des bulles de dialogues vides sur les affiches pour que les gens puissent y écrire, et il y avait des choses tout à fait étonnantes et intéressantes : c’était une manière d’inviter à l’investissement de l’espace public  par les personnes elles-mêmes: on te colle des affiches partout, mais tu peux intervenir dessus, et plus que cela : elles prendront leur sens si tu écris dessus ; en gros c’était l’idée. Je me suis dit que c’était chouette, et que globalement son travail n’était pas juste appréciable pour son esthétisme (ce qui en soit est déjà pas mal hein) mais qu’il posait – non pas un regard – mais véritablement une intervention sur notre société et son fonctionnement, très incitative à notre propre action.  J’aime bien l’idée de tendre des outils aux gens pour qu’ils s’expriment, agissent..

Mais revenons plus spécifiquement à « The Happy Show ». On va voir quelque chose d’heureux, c’est ce que nous dit le nom de l’expo, on va peut-être y trouver les clés du bonheur.. La promesse peut être grande et des plus alléchante. Mais Sagmeister ne te laisse rien miroiter : dès l’entrée de l’exposition il te dit que non, cette exposition ne te rendra pas plus heureux, ne t’attend à rien d’ailleurs, car « n’avoir pas d’attentes est une bonne stratégie ».

BIM ! Le conseil n°1 est lâché! Enfin, pas vraiment un « conseil », car l’exposition est davantage une succession de maximes qu’il s’est construit pour lui-même, tu en fais bien ce que tu veux. Sagmeister ne prétend pas délivrer les recettes du Bonheur, le bonheur c’est trop vague, ça n’a pas de définition arrêtée, et il ne veut pas en arrêter une, « les définitions m’ennuient », et toute l’essence du bonheur c’est d’être subjectif, il n’est pas « un » et ne se fige pas dans le marbre, « on n’arrive pas à le conserver longtemps ».

D’accord, le ton est posé, on se lance dans son expérience donc, on verra bien ce qui nous parle et ce que la démarche nous inspire.

Je me suis amusée des graphiques issus d’études qu’il a choisi, parce que si le bonheur n’a pas de définition unique, beaucoup l’ont décortiqué pour en trouver une substantielle moelle. Et ça, ça intéressé Sagmeister qui n’en a retenu que la crème de sa crème.

Mais, ce qui m’a le plus plu dans le parcours, ce sont les ptites phrases écrites sur les murs et qui ont fait l’objet d’une intervention artistique publique, dont témoigne les photos exposées. L’expérience qui les a inspirées est décrite sous ce que j’ai appelé tout à l’heure « ses maximes ». Je ne vais pas recopier touuute l’exposition, mais juste reprendre quelques-unes de ces phrases, parce que ma mémoire parfois c’est pas ça, alors ce billet aura au moins le mérite d’avoir cette utilité là : me souvenir de ces ptites choses, qu’on sait bien, au fond, mais qu’on ne formalise pas (et moi, j’aime bien formaliser, ça m’aide à avancer dans mes réflexions.)

J’en conserve la version anglaise car présentement je prends des cours d’anglais et ça serait bien que je me souvienne aussi  des mots en anglais!

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« Complaining is silly. Either act or forget » : se plaindre est idiot, mieux vaut agir ou oublier. « Je suis arrivé à la conclusion que se plaindre est une des façons de communiquer la moins utile qui soient. Le fait de se plaindre n’améliore jamais mon humeur, agace les personnes auprès desquelles je me plains, et il est clair que ça ne change rien à ma situation ».

« Worring solves nothing » : s’inquiéter ne résout rien

« Actually doing the things I set out to do increases my overall level of happiness » : faire les choses que j’avais prévu de faire augmente mon niveau général de bonheur.

« Assuming is stifling » : présumer c’est brider. Ca limite le potentiel de nos projets.

« Having guts » : avoir du culot.

« Ce que j’ai déjà fait ça m’ennuie, ce que je n’ai jamais fait ça m’angoisse »

« Everything i do always comes back to me » : tout ce que je fais m’avance toujours à quelque chose. (Pour l’anecdote, un moine bouddhiste dans les montagnes coréennes en avait fait un outil d’enseignement).

« Being not truthful always works against me » : ne pas être sincère me fait toujours du tort. J’aime particulièrement l’évidence éclatante de celle-ci, qu’il explique notamment par le fait que « si je ne veux pas que le gens soient au courant d’une chose que je fais, peut-être que je ne devrais pas la faire du tout. »

« Be more flexible » : soit plus souple. Ce n’est pas un manque de caractère.

Et je terminerai par un petit message de tolérance et d’acceptation :

« Everybody always thinks they are right » : tout le monde pense avoir raison . Il est difficile de comprendre la réalité des autres, nous avons tous des expériences différentes.

Je n’ai pas pris de photos parce que quand j’ai vu l’exposition, je ne savais pas encore que j’allais faire un blog. Mais ferme les yeux et imagine du jaune, du noir, des graphiques, de la calligraphie, des photos, des vidéos, et pour plus d’imprégnation passe toi la musique du groupe canadien, qui est la bande son de l’exposition.

Oui parce que je ne t’ai pas dit, mais si je t’ai donné envie d’aller voir cette exposition, c’est raté, elle s’est terminée le 9 mars.

Du coup, t’es dégouté.