Hommage à Robert

Ahaha, ce titre! Si tu es parmi mes amis alcooliques non anonymes, tu en as l’eau à la bouche !

Si tu ne l’es pas :

1. Que fais tu là? Qui es tu? Quel est ton réseau ?

(Mais reste, bien sûr!)

2. J’arrête mon clin d’oeil de pilier de comptoir pour entrer au coeur du sujet réel de ce billet : le photographe Robert Mapplethorpe.

Le Grand Palais lui a consacré ce printemps une rétrospective, la première en France.

Eh tu sais quoi ? Ben j’y suis allée. Je t’avais même prévenu ici, à l’occasion de ma déclaration d’amour pour Patti Smith, alors que je venais de refermer le passionnant « Just kids » où mon héroïne parle d’elle , de New York, des années 70, et de Robert donc.

C’est lui :

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Beau mec, hein !

Robert est un artiste qui a exploré moult médium pour finalement se consacrer à la photo.

En effet,  ses premières amours artistiques se vouent à la sculpture, mais bon, la sculpture dans les années 70 c’est un peu has been.. .

Il décide alors de s’exprimer par le dessin et le collage, et incorpore à ses oeuvres des photos de magazines .

Et puis Patti Smith, son amante, son amie, sa muse, lui souffle de prendre ses propres photos. Et Robert s’y essaye.

C’est le kiff.

Il aime l’immédiateté des Polaroïds, et leur découvre une voie pour travailler les corps, dans l’esprit des sculpteurs.

Et là résidera son oeuvre, sa « patte » artistique :

« Des sculptures de chair et des corps de pierre  » comme nous le dit joliment Jérôme Neutre, le commissaire de l’exposition.

Les photos sont en noir et blanc très contrasté, en jeux de lumière très ciblée, les corps y sont marbre : on se croit effectivement véritablement face à des sculptures.

D’ailleurs,  le musée Rodin a organisé une exposition (qui vient tout juste de se terminer, damn it ) mettant en parallèle le travail de Robert Mapplethorpe et celui d’Auguste Rodin.

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Mais revenons au Grand Palais.

Mapllethorpe ce n’est pas que des compositions sculpturales, c’est aussi des mises en scène sulfureuses.

La salle de l’expo qui les montre à voir est interdite au moins de 18 ans. Et à ma mère.

Cette dernière me lisant tapie dans l’ombre, je ne mettrai pas de visuel, même si l’esthétique des scènes, explicitement sadomaso, sont si soigneusement agencées qu’elles te font l’effet de nature morte. Le classicisme prend magiquement le pas sur le sulfureux.  C’est très surprenant. Du coup, c’est beaucoup moins trash que ce à quoi tu pourrais t’attendre.

L’exposition étant construite à rebours de la vie de Robert, on fini le parcours par ses premiers Polaroïds, des moments de vie de sa jeunesse et de ses proches, datant du milieu des années 70, où s’esquissent déjà le thème des corps.

Ca m’a agréablement replongée dans l’ambiance de « Just Kids » : aux mots de Patti Smith, le témoignage visuel de Robert.

Globalement, je trouve la recherche et la démarche de Mapplethorpe super intéressante, mais esthétiquement ça ne m’émeut pas. Et si je n’avais pas lu « Just Kids »,  l’exposition m’aurait moins marquée. Mais ayant plongé dans l’intimité de l’artiste et dans celle de son époque via le récit de Patti Smith, j’ai été touchée parce qu’il se murmurait à mon oreille autour de l ‘oeuvre en elle-même.

Comme quoi l’art, ce n’est pas juste de jolis tableaux accrochés au mur.

– Allez, on retourne voir Mapllethorpe ensemble ?

– Ben non. Elle est terminée depuis lurette mon vieux.

– …

« Motion factory » à la Gaité Lyrique

La Gaité Lyrique, où je t’ai déjà emmené visiter une exposition consacrée au travail de Sagmeister – souviens-toi – propose depuis avril de découvrir l’envers du décor des films d’animation.

Ouha.

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Sous-titrée « les ficelles du monde animé », l’exposition veut  te révéler ce que tu ne vois pas, ou peu, lorsque tu regardes une animation, à savoir : Titan au travail. Hercule à la tâche. Sisyphe en action.

Car oui : tous ces héros se cachent derrière les jolies images que tu avales en 3 minutes sur vimeo.

Tu pensais qu’un ordi, un clavier, un bon logiciel de 3D et zou, en avant la magie?

Que nenni , nenni.

En tous cas, pas que. Loin de là.

Des artistes félés du ciboulot fabriquent des personnages, en plastique, en carton, en sucre, en pâte à modeler, en argile, ou que sais-je encore, construisent des décors, découpent, éclairent, collent, cousent, font en gros des travaux manuels à la pelle, pour créer des mini-mondes qui vont s’animer grâce à leurs petites mains, grâce à des outils numériques aussi, qui vont ajouter à la cuisine fait-main des effets virtuels, mais surtout grâce à leur putain de patience.

Oui, un gros mot s’impose quand par exemple, des types tels que Ed Patterson et Will Studd s’amusent à fabriquer avec leurs mimines des figurines de 2 millimètres pour les mettre en mouvement, pas à pas, dans des décors fait-maison de 20 centimètres de large, 10 de haut, filmés à la loupe, avec un téléphone.

Ainsi en regardant leur travail, tu te poseras légitiment la question suivante : les gars, êtes vous vraiment sains d’esprit ?

Mate un peu ça: http://vimeo.com/59920125

Et même si le travail est réalisé à une autre échelle que celle des millimètres, il n’empêche que la patience et la minutie sont bel et bien les constantes des films d’animations.

1 seconde de film, c’est 24 images, c’est 1 journée de travail.

Oups, attention, ta mâchoire pendouille.

Dans un tout autre genre, une histoire en sucre, animée manuellement, selon l’art des marionnettistes : http://vimeo.com/35761197

T’es un peu bouchée bée je sens bien, et tu veux en savoir plus sur le comment de toute cette folie.

Alors justement, t’es au bon endroit, puisque La Motion Factory te dit qu’elle va te montrer « l’envers du décor » et te livrer « les secrets de réalisation » des artistes.

Capture d’écran 2014-08-04 à 16.57.57

L’envers du décor ? Oui. J’ai vu : 15 stands qui exposent les figurines ou décors crées pour les films, les esquisses qui les ont précédés et les storyboards qui leur ont succédés pour guider la réalisation. Et des vidéos sur tablettes, où tu vois les artistes à l’oeuvre, où tu devines des étapes de la création.

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Les secrets de réalisation? Je les trouve encore très très bien gardés.

Car certes, j’ai vu des processus de fabrication, mais les ai-je compris? Non. Pourquoi ? Déjà le principe de devoir regarder des vidéos pose toujours le problème d’arriver au moment où la vidéo commence, au risque sinon de te retrouver en plein milieu d’une séquence qui te parait alors totalement absconse. Et puis en plus, dans le cas de la Motion Factory, les vidéos sont muettes : dénuées de commentaires, la succession des images n’est pas franchement accrocheuse, et très peu intelligible.

Bon en gros, j’ai pas capté grand chose, ou plutôt je m’attendais à percer davantage de mystères. Peut-être qu’une visite guidée, comme la Gaité Lyrique en propose, aurait été bien plus instructive.

Mais à défaut de tout comprendre, j’ai quand même appris des trucs, et je dois bien avouer que je ne devinais pas autant de techniques manuelles à l’oeuvre dans certaines animations.

Et puis j’ai découvert les univers de Kyle Bean, Kijek & Adamski, Johnny Kelly, Pic Pic André, Peter Sluszka, Jamie Caliri & Alex Juhasz, Sumo Science (Will Stud & Ed Patterson), Sean Pecknold, Kangmin Kim, Joseph Mann, Andrew Thomas Huang, Hayley Morris, Elliot Dear, Emma de Swaef & Marc James Roels, Mikey Please, Conor Finnegan et Yves Geleyn.

Je vais te laisser sur les images de ce dernier, j’ai nommé monsieur Geleyn, avec son histoire d’ours et son ami lapin, qui avait tout pour me plaire, évidement. Je préfère prévenir les âmes sensibles : attention, séquence émotion:  

http://vimeo.com/78740926

Et son making of pour rester dans l’idée de l’expo : http://vimeo.com/78254514

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Si tu veux continuer à t’éclater la rétine, file à la Gaité Lyrique, il te reste 6 jours pour te faire du bien. Le compte à rebours est lancé : tic-tac, tic-tac…

Si tu es autiste ou gros flemmard, si les vacances t’amollissent, ou pire, si tu n’habites pas Paris, tu peux aussi rester dans ton fauteuil et aller papillonner sur le site de blinkink, un studio de production de films d’animation, qui représentent  pas mal d’artistes exposés à la Motion Factory.

 

Les photos sont issues du site de studio 5.5 qui a réalisé la scénographie de la Motion Factory. (oui je suis encore partie sans mon appareil photo, rhaaaa…)

« Mr Gwyn » d’Alessandro Baricco

Une morte qui parle, des ampoules comme magiques, des concertos pour clarinettes, ventilateurs et tuyaux hydrauliques. Tout est normal. Tu es chez Alessandro Baricco, un conteur des temps modernes à l’univers farfelu, poétique et délicat.

Son dernier né, sorti en avril 2014, nous raconte l’histoire d’un écrivain, « Mr Gwyn ».

Jasper Gwyn est un romancier anglais à succès, qui un jour se dit : stop. J’arrête tout.

Une sorte de coup de tête.

Plus envie.

Il clame au monde sa décision en écrivant  dans le quotidien « The Guardian » un article qui consiste en une liste des 52 choses que l’auteur décide de ne plus faire. Parmi elles donc : écrire des livres.

Sauf que personne ne le croit.

Son agent et meilleur ami Tom le premier.

– Cet article? Une provocation, tout au plus. Un écrivain ne peut arrêter d’écrire, c’est contre nature !

– Voyons Jasper tu déconnes? Tu tiendras pas!

Sauf que Jasper, qui ne plaisantait pas, se met bien en quête d’un nouveau métier, loin des livres.

Pas facile, parce que l’écriture peut être aussi addictive que la meth, vois-tu. Mais il parvient tout de même à tenir loin de lui toute idée de roman.

Et puis la révélation lui vient un jour où la pluie le contraint à s’abriter dans une galerie d’art, habituellement le genre d’endroit qu’il évite. Les tableaux ne lui parlent pas.

Jusqu’à ce portrait : celui d’un vieil homme que le peintre semble avoir « reconduit chez lui ».

Eureka!

– Je vais reconduire les gens chez eux Tom!

– Quoiiiii?

Tout comme toi, Tom ne comprend pas. Ca veut dire quoi « reconduire les gens chez eux » bordel?

– Je vais être copiste : je vais faire le portrait des gens. Mais non pas en les peignant. En les écrivant.

Ecrire le portrait des gens? Oulalala, ça s’annonce chiant de descriptions interminaaaaables ça, te dis-tu!

Mais ce serait mésestimer le talent de notre écrivain, qui compte bien s’y prendre tout autrement. Des mots certes, mais point de qualificatifs dégoulinant sur la forme – généreuse – de tes oreilles et le – pointu – de ton nez.

Et l’expérience commence, sous l’attention plus que sceptique et désabusée de l’ami Tom.

Tout comme un peintre, il faudra à Jasper se trouver un atelier, mais surtout une ambiance.

Un agent immobilier s’appliquera à lui dégoter Le lieu aux caractéristiques les plus proches des clichés que tu pourrais avoir d’un atelier d’artiste .

Un vieil artisan loufoque, qui semble vivre dans un monde parallèle où les ampoules sont aussi vivantes que des créatures terrestres, se chargera quant à lui de la lumière.

Habiller l’endroit d’un fond sonore semble tout aussi nécessaire à Jasper que l’éclairage de la pièce. Il contactera un compositeur de sons les plus quotidiens, les moins musicaux te diras-tu, mais ne présage de rien, laisse-toi surprendre!

Et puis cette dame rencontrée une seule fois, fortuitement, avec qui une complicité immédiate s’est tissée, et qui lui parlera, depuis trépas, tout simplement.

Voilà l’univers dans lequel te plonge Baricco pour une aventure artistique inédite, un fantastique subtil mais néanmoins réellement barré qu’il te contera le plus normalement du monde.

Et si le côté « foufou-l’air-de rien » t’amuseras, « Mr Gwyn » n’en est pas moins un roman qui saura t’intriguer.

Jasper met en place, tel un scientifique, un processus très précis pour son expérience, et le rituel aura l’effet d’un sort qui s’accrochera aux personnages.

Tu verras que la minutie du copiste te donnera la cadence d’une lecture que tu voudras attentive, comme pour décoder toi aussi ce qui se dégagera de l’atelier et des corps nus.

Et là, la magie de l’écriture d’Alessandro Baricco te racontera des histoires dans des quasi silences, te posera un monde dans une pièce presque vide.

Môssieur Baricco, dit-on chez moi.

Ah ben tiens regarde, reste de la place dans ta valise. Voilà, pile poil! Bon voyage « Mr Gwyn »!

« Au revoir là-haut » de Pierre Lemaitre

En cette année d’anniversaire de la guerre 14-18, fais hommage à nos héros poilus des tranchées d’il y a 100 ans, et lis ce roman de Pierre Lemaitre,  rondement bien mené.

Dans les premières pages, tu vas te retrouver en plein champ de bataille, et tu tenteras d’échapper aux balles qui te siffleront au-dessus de la tête, avec à tes côtés, mort de frousse, Albert Maillard. Ca va durer 20 pages, et la dernière ligne t’annoncera la mort d’Albert.

Merde.

Car Albert, tu l’aimais déjà.

« oh ben nooooon, il peut pas mourir lààààà… » Voilà ce que j’ai grogné, dégoutée d’avoir perdu un ami si tôt.

20 pages.

Bon, en fait Albert, il n’est pas mort.

Je suis presque embêtée de te le dévoiler, parce que j’aurai voulu que tu vives toi aussi ce soulagement..

Oui oui, je t’entends alors crier « au spoil, au spoil, arrêtez-là ! », mais s’il te plait ne m’en veux pas, il te reste les 520 pages suivantes et évidement tout le coeur de l’histoire à dévorer avec tes ptits yeux.

Albert, donc, n’est pas mort, grâce à Edouard Péricourt, un autre soldat de son bataillon qui le ramène à la vie, non sans y laisser « quelques plumes ». Euphémisme bien sûr, car je te rappelle le contexte : ça pète de partout, les ennemis allemands (mais pas que,… tu verras…) menacent dangereusement.. Bref, la guerre. S’agira donc pas vraiment de plumes, tu te rendras compte de l’ampleur du désastre plus tard.

Ce sont ces deux jeunes amochés , Albert et Edouard, que nous suivront après l’armistice qui sonnera peu après la bataille, où chacun se résout finalement à dire adieu à sa vie, celle d’avant la guerre, pour en affronter une nouvelle, qui s’annonce des plus difficiles.

Et ils l’affronteront ensemble, liés, noués par l’horreur qu’ils ont vécu.

Leur quotidien n’est que faim, drogues, insalubrité, guenilles, galères, souffrances et traumatismes de guerre.

Car dès 1918, si les morts sont salués, les rescapés, eux, sont oubliés.

Mais plutôt que de combattre ce fait, Albert et Edouard vont chercher à en jouer pour retourner la situation en leur faveur.

Le risque sera grand,  le travail sera de maître.

« Au revoir là-haut » est un livre que tu veux lire d’un coup, qui te raconte des personnages poignants, que tu n’as plus envie de quitter.

Albert tu te moques de lui un peu parfois, parce qu’il est ballot, mais tu te moques affectueusement, car oui tu l’aimes, son dévouement est si touchant.

Edouard, quant à lui, par moment t’ y crois plus, t’as peur qu’il lâche la rampe. Il te fait froid dans le dos souvent. Mais ses ressources t’épateront.

Et puis il y a plein d’autres personnages dont le détestable cul serré lieutenant d’Aulnay-Pradelle responsable de tant de monstruosités …  Le pathétique mais non moins touchant M. Péricourt père, qui vit sa vie avec un train de retard.

« Au revoir là-haut », c’est 550 pages qui te sautent d’emblée à la tronche.

J’ai été très surprise d’entrer aussi rapidement dans le livre, notamment, comme je te le disais, en m’attachant si vite, dès les 20 premières pages,  à celui qui allait devenir l’un  des protagonistes de l’histoire.

Ca sentait très très vite le régal, et je dois bien dire que ce sentiment de début de lecture n’a fait que se confirmer au fil des pages!

Allez , à table les enfants! Le roman de Pierre Lemaitre vous est servi!

Ah et pis je t’ai même pas dit, mais c’est le dernier prix Goncourt, tu pourras même crâner aux diners de société !

 

L’étrange cité, par Ilya et Emilia Kabakov

Le mois dernier, je suis allée voir « Monumenta ». C’est une exposition qui a lieu sous la Nef du Grand Palais. L’idée est de donner carte blanche à un artiste pour qu’il occupe les 13 500 m2 de la verrière avec une oeuvre monumentale inédite.

Monumentale/Monumenta.. Voilà, tu saisis le concept.

On aurait pu le penser (je l’ai pensé), mais non, ce n’est pas un événement annuel : depuis le lancement en 2007, cinq éditions ont été présentées.

En 2011,  j’étais allée voir Anish Kapoor, un sculpteur britannique, d’origine indienne, qui nous présentait son installation « Leviathan ». 

Et j’ai été saisie. Physiquement.

Un énoooorme corps pourpre qui veinait toute la Nef. Des ombres écrasantes. Une matière qui s’engouffrait dans les alcôves de la verrière.

J’avais véritablement l’impression d’être dans un corps vivant, au coeur duquel je circulais, prudemment, fascinée, impressionnée.

Je n’en pouvais plus de l’observer sous tous les angles, de le toucher et jamais je n’en saisissais la globalité tellement c’était graaaand!

Je me suis assise à l’étage et je l’ai regardé, écouté.

Une oeuvre organique. Magnifique. Des sensations singulières .

Une nouvelle expérience qui m’a totalement surprise et séduite!

J’avais pris quelques photos, regarde :

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L’ enfant a t-elle survécu ?

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L’année suivante, en 2012, c’était au tour du français Daniel Buren d’investir la Nef.

Tu sais, Buren, c’est celui qui a conçu les colonnes noires et blanches au Palais Royal.

Pour Monumenta, il a pris le parti de jouer sur la généreuse lumière que propose la verrière et d’y disposer des sortes d’ombrelles multicolores. Je n’y suis pas allée, c’est comme ça, je ne sais pas pourquoi.  Mais rien qu’en regardant les photos,  tu devines que Buren s’est  amusé avec ta perception et est allé bousculer tes repères sensoriels : immersion dans un bain de couleurs, de lumières, des jeux de miroirs … Et là encore, c’est bien l’ensemble de la Nef qui est pris à parti pour un rendu grandiose.

Glanées sur le net, quelques images :

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Cette année,  les russes Ilya  et Emilia Kabakov étaient les guest stars du Grand Palais et nous présentaient « L’ étrange cité ».

Là j’hésite même à amener ma tente pour camper dans la cité promise, parce que oui, je m’attends à ce qu’une vraie cité prenne vie au coeur même de la Nef, et oui, je m’attends à ce que ce soit complètement fou.

Et ben pas du tout.

Déçuedéçuedéçue j’ai été.

En guise d’installation, des cloisons blanches (censées avoir un rendu « rues de ville » certainement, mais t’as plutôt l’impression que ce sont des panneaux d’expo vides) et des petits chapiteaux circulaires, où les artistes ont exposé des concepts, des peintures ou des croquis, avec des petites maquettes et des textes explicatifs plutôt indigestes. D’une approche assez ésotérique (la place et le rôle de l’ange, la symbolique  des portails, un centre d’énergie cosmique…), l’étrange cité  n’est qu’enfermée dans des petites salles étouffantes (oui alors l’idée du chapiteau sous une verrière, …heu, vraiment ? Personne n’a calculé que ça allait multiplier l’effet « serre » ?), et d’une manière non incarnée, sur des vagues plans et maquettes pas monumentales du tout…

Les Kabakov ne se sont absolument pas joués de l’espace du Grand Palais, les chapiteaux auraient pu être installés n’importe où, ça n’aurait rien changé à l’expo…

Je ne te montre même pas d’images, ça va gâcher mon blog…

Charly 9

Aujourd’hui, je vais te parler BD.

Une récente, histoire d’ « être un peu dans l’coup » comme on dit.

Et puis une BD qui nous permettra de faire 1 caillou 2 coups : art + Histoire (la grande).

Pour rappeler à toi la culture que tu as peut-être oubliée sur les bancs de l’école.

Alors, voilà , je te présente « Charly 9 », sorti en février 2014, mis en images par Richard Guérineau, selon le récit de Jean Teulé.

Charly 9 c’est le ptit nom de Charles IX, roi de France au 16è siècle. Il est le fils d’Henri II et de Catherine de Médicis.

Tu ne te souviens peut-être pas de lui alors que pourtant son nom est associé à la célébrissime « nuit de la Saint Barthélémy ».

Ah. Voilà, tu y es. (si tu es ado et que tu me réponds « bèh non, j’konai pa, jété pa né », sache que tu viens de te faire gifler là. Je crois qu’il est parti par là…). Oui ben que veux tu, y a des risques sur ce blog…)

La nuit de la Saint Barthélémy du 24 août 1572 cristallise la violence de la guerre de religion opposant protestants (aussi dit huguenots en ces temps) et catholiques. Un massacre, un abattoir, que la famille royale orchestre pour exterminer les huguenots.

Une grosse giclée de sang qui prend sa source à Paris et qui se traine sur toute la France.

Et le livre nous raconte comment ces évènements ont été vécus par Charles IX, qui aurait en tant que roi donné l’assaut à cette horreur.

Tu verras donc l’Histoire avec les yeux du jeune roi, à qui sa mère, Catherine de Médicis, soumet l’idée de tuer le chef du parti protestant, qui se trouve aussi être le conseiller du roi.

Un proche, si proche, que Charles l’appelle « mon père ».

Trop proche selon Catherine de Médicis qui sous-entend qu’il cherche à influencer le roi en faveur des protestants.

« Mon père » tout de même … Autant te dire, que le ptit Charly n’est pas très chaud…

Et puis très vite, il ne s’agit plus de ne tuer que le conseiller, mais aussi La Rochefoucault, un autre ami du roi, et quelques autres considérés comme chefs des protestants.

Quasi tous des potes du bon Charly.

Le garçon est un peu perplexe.

Et au fil de la discussion, de 6, on passe à 10.

Allez pas de chichis Charly, on va dire 100.

Il se décompose.

Et ce n’est que le début de l’escalade des chiffres macabres.

Arrivé à 1 000, il déplore que luthériens et papistes ne parviennent à s’entendre.

Ah oui, too bad, Charly, vraiment…

Et puis on lui annonce que, dans l’élan, ben, ça sera peut-être 10, voire 20 000.

L’ampleur du massacre abat le jeune roi.

On le presse toutefois à donner le feu vert « pour le bien de la France » ou un argument du genre tu penses…

Aculé, le roi craque, cède.

Et les pages qui suivent se teignent de rouge.

Charly en a gros sur la patate. Et pour tenir le coup, il bascule petit à petit dans la folie.

Oui, tu as compris, il pète un peu les plombs.

-J’ai aimé?

-Oui.

-Pourquoi?

– Parce que tout d’abord j’ai appris sur Charles IX, et puis parce que l’on y croise des personnages comme Ronsard, que l’on découvre l’origine du brin de muguet porte-bonheur de mai, et aussi la naissance de la tradition du poisson d’avril, et j’ai appris que le 1er janvier n’a pas toujours été le 1er jour de l’année.

Parce que les dessins sont chouettes, et qu’il y a un ptit jeu sur les styles sympa.

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Et aussi parce que c’est cynique à souhait ! Le désabusement de Charly nous plonge entre rire et compassion. On voudrait même dire que la BD est plutôt rigolote, mais on a peur de se faire passer pour une sadique, à cause du fond de l’histoire qui dégouline beaucoup de sang et de désespoir quand même…

Je précise qu’il s’agit bien de l’histoire vraie de Charles IX, telle qu’on ne te l’avait pas racontée, mais que veux-tu, il faut savoir parfois aller creuser plus loin que les synthèses scolaires (oui, l’ado de tout à l’heure là, cette remarque est pour toi)

Regarde la 1re page, elle est fabuleuse :

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Si éloquente. Elle devrait être le portrait de Charles IX dans tes livres d’histoire.

Euuuh, je ne sais pas comment terminer ce billet… Du coup je m’en vais comme ça : hop!

Allez, reste pas comme deux ronds de flan, file t’occuper !

« States of Grace »

J’ai vu un joli film.

Il s’appelle « States of Grace ».

affiche

C’est avec Brie Larson (je ne connaissais pas), et John Gallagher, tu sais, le ptit journaliste de la super série « The Newsroom», celui qui est amoureux de la blondinette mais avec qui c’est compliqué.

Tu vois ?

Oui je l’aime bien aussi…

La première joue le rôle de Grace, et le second celui de Mason.

Tous deux travaillent dans un centre pour ado en souffrance, physique ou psychique : battus, autistes, rebelles, paumés, dépressifs, orphelins… dans le genre, tu vois…

Ils sont éducateurs, et leur histoire est elle aussi passée par la case « foyer des jeunes en difficultés ». Ils sont encore frais moulus de leurs cicatrices adolescentes, mais le processus de la résilience semble avoir fait son job, et du coup, ils aident, à leur tour, ces corps et âmes mutilés.

Mais je dis « semble », parce qu’en fait on va s’apercevoir que quelques boulets s’accrochent encore à la frêle cheville tout juste adulte de Grace.

Ca va se traduire en projection et empathie profonde pour l’une des ado du foyer qui lui rappelle sa propre histoire et ses propres démons.

Et ça va se répercuter dans sa vie de couple avec Mason.

Oui parce je ne t’ai pas encore dit, mais ils sont collègues ET amoureux.

On passe ainsi de leur job au foyer à leur vie perso. La frontière est mince, tu penses bien… Leur quotidien n’étant pas de vendre du chocolat en poudre sur internet, ils ne rentrent pas léger de la même manière chez eux. Les soucis du boulot sont d’un ordre qui rendent les tiens, si tu en as, bien ridicules.

Mais ça va te faire du bien, tu vas voir ! Ca te rappelle qu’il y a des vrais métiers quand même, dans la masse des trucs futiles de notre société !

Oula, mais je m’égare là !

Le film, donc, est joli parce que le ptit couple, il faut bien le dire, est très attachant. Le ton léger des gens qui font des trucs vraiment importants sans se dire, ni penser, « je suis important », la dérision nécessaire pour faire passer des pilules un peu angulaires, et le dévouement non mesuré, non calculé. Parfois aussi non maîtrisé.

Alors au premier abord, en découvrant le sujet du film « au cœur d’un foyer pour ado en difficultés », les personnages « de jeunes éducateurs encore fragiles au fond », tu te dis que ça va être un film drame, bien lourd.

Et bien c’est là où c’est surprenant, c’est que ce n’est pas ce que je retiendrai du film.

Déjà, j’ai apprécié que le réalisateur, Destin Cretton , n’en ait pas fait des caisses sur les profils borderline des ado, mais, surtout, j’ai trouvé que le film avait ses vrais moments de lumière, sur les instants heureux de Grace et Mason.

Et là, bim! Le titre du film prend toute sa mesure : des états de grâce, joliment filmés, qui te font toucher des yeux une sorte de plénitude.

C’est calme et reposant, c’est irradiant aussi.

Bon ce qui est un peu con , c’est qu’en fait, ce n’est pas le titre original du film qui est « Short Term 12 », et que tu comprendras en regardant le film (je ne vais pas tout t’expliquer non plus oh!). Mais on doit bien avouer que pour une fois, le film a été bien rebaptisé …

Alors bon, certains te diront que c’est un film pour ado qui voudrait faire résonner son pseudo mal-être, d’autres t’expliqueront que c’est  pas du tout ça la vie des éducateurs (alors qu’eux ils vendent du chocolat en poudre sur internet), etc.

Ben tu sais quoi?

On. s’en. fout.

C’est joli j’tai dit.

« Le porteur d’histoire »

« Michalik tu défonces ! »

Un tweet comme un cri de bonheur que j’ai lancé le week-end dernier sur ta timeline si tu me suis.

Michalik est l’auteur et le metteur en scène de la pièce « Le porteur d’histoire » que je suis allée voir vendredi dernier au Studio des Champs-Elysées.

Je voudrais te dire « vas-y, fonce, cette pièce est sublime », et tu irais alors, certes un peu nu d’information, mais plein de confiance en mes préconisations artistiques, et tu serais alors disposé à recevoir une surprenante claque, comme tu ne peux te l’imaginer encore.

C’est que j’ai la pression, là, d’écrire. De ne pas être à la hauteur de l’enthousiasme que ce spectacle m’a procuré.

Mais si j’ai ouvert un blog, c’est pour être un peu bavarde. Sinon, je me contenterais des 140 caractères de twitter où je clame des « ça défonce », « c’est d’la balle », « ça tabasse », « p ‘tite tuerie », et autres qualificatifs distingués.

Donc, je me lance. (prise au piège de mon propre jeu… )

« Le porteur d’histoire » c’est l’histoire d’un homme qui raconte une histoire et dans cette histoire un autre homme raconte une histoire où on lui raconte une histoire…

– Ooohoohooo, je t’arrête!C’est quoi c’bordel? Ca va être compliqué dis, oh, hein, ça va pas là..Non mais….

T’excites pas, ça ne va pas être compliqué. Et c’est toute la force de la mise en scène.

Mais tout d’abord, je vais t’en dire plus sur le propos même de la pièce.

S’il y a plusieurs histoires, elles ont pour commun de vouloir te dire une chose : que l’Histoire est contenue dans les histoires de chacun, celles que l’on se transmet, celles que l’on se raconte, celles que l’on écrit, celles que tu lis.

Les romans, les contes, les légendes ne sont alors plus fiction, ils sont la vie. La vraie.

Et si tu les connectes, ils portent l’Histoire. La grande.

Et ce jeu de lien est terriblement bien tissé par Michalik qui va jouer d’une ingéniosité, à la fois grande et simple,  pour que tout coule de source, pour que tu ne sois pas perdu dans ce jeu de poupée russe narratif.

Ils sont 5 comédiens sur scène à jouer plusieurs personnages, chaque changement de rôle déplaçant la temporalité du récit. Michalik fera des fondus comme au cinéma, pour que le présent t’amène dans le passé, mais sans effets spéciaux du tout. « Juste » en mêlant les voix, le temps d’un instant, celui de te déplacer dans une époque, ou alors en jouant sur les déplacements des personnages.

Avec trois fois rien, il saura te poser l’ambiance d’un pays, d’un lieu, d’un temps, d’une scène, et ce de manière un peu magique parce que ça sera véritablement trois fois « rien » ,

1. Rien comme « pas de mobiliers ».

2. Rien comme « pas d’objets ».

3. Rien comme « rien de matériel ».

Les comédiens, seulement, qui changent de costumes.

Une scène quasi nue, habillée de 5 tabourets et d’un tableau noir, en fond.

C’est fou ? ben oui. Et ca contribue à te plonger dans le récit, car c’est ton imaginaire qui se chargera de ce qui ne figure pas réellement sur scène.

Oui parce que ça ne sera pas compliqué, mais s’agira pas de t’affaler sur ton strapontin et te laisser porter : il te faudra te concentrer, être un peu impliqué et parti prenante pour mordre à l’hameçon Michalik. Impliquer ton imaginaire donc, mais aussi ta culture : si t’as pas sécher tes cours d’histoire au collège, c’est cool, si t’as lu le Comte de Monte Cristo, c’est mieux. Et plus globalement y a des ptites références historiques et littéraires qui te parleront …ben que si tu les as, les références. Et tu sais quoi ? Ca fait plaisir quand tu les as, quand tu les relis à l’histoire ! (Oh ça va hein on peut se masser le nombril de temps en temps ici ou pas ?)

J’étais effectivement bien heureuse de m’être enfilée les 1400 pages du Comte de Monte Cristo récemment, durant les vacances 2012, et aussi, par exemple, plus anecdotiquement,  de savoir que, oui, le 1er bourreau en France l’est devenu sur un deal : on oublie ton crime si tu acceptes le rôle de coupeur de tête. J’ai lu et appris cela dans le roman très documenté « Dieu et nous seuls pouvons » de Michel Folco.

Parce qu’en fait dans le Porteur d’histoire, il y a du vrai, il y a du faux, et parfois tu discerneras l’un de l’autre, et alors tu seras content !

Tu te délecteras du jeu des acteurs, qui t’émouvront, te surprendront, te feront rire.

J’ai été pendu à leurs lèvres, à leurs mots, et, comme les personnages de la pièce, aussi attentives et impatientes qu’eux, que le porteur d’histoire me livre ses secrets.

J’ai appris que cette pièce est la première écrite et mise en scène par Michalik, qui s’adonnait jusque là à des adaptations théâtrales. Et bien quelle plume !  Si le thème m’a branchée, si la mise en scène m’a scotchée, l’écriture m’a totalement embarquée. Je prendrai plaisir à lire le texte en lui-même.

Une pièce parfaite ? J’crois bien oui…

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Allez, achète donc ta place au lieu de glander sur internet.

Expo 58, de Jonathan Coe

« 58 », comme 1958.

« Expo » pour exposition universelle.

De la même année.

C’est ainsi que le décor est posé dans le titre de ce livre de Jonathan Coe.

Son histoire s’inscrit dans cet événement historique, rassemblant les pays qui se déchiraient une dizaine d’années auparavant dans la seconde guerre mondiale, et qui désormais reconstruisent leur relation autour de la coopération.

Optimisme et nouveau monde, on a à cette époque la bouche en coeur devant un avenir que l’on espère pacifiste. On a envie de mettre en avant toutes les belles inventions humaines, techniques, artistiques, économiques, scientifiques qui y concourront.

Demain sera beau. C’est ce que la Belgique te dit, le temps de cette exposition.

Tu vas découvrir cette ambiance de près grâce à M. Foley, un fonctionnaire anglais à qui l’on confie la supervision du pub britannique,  pensé spécialement pour l’événement , entre tradition et innovation anglaise, et qui se voudra le lieu de rencontre entre les nationalités.

Une mission de 6 mois qui l’enverra loin de sa femme et de son nouveau-né.

Si son cœur est au départ un peu culpabilisé par cette séparation, bien vite l’honneur et l’excitation de participer à cet événement d’envergure l’emporteront.

Sauf que l’histoire n’est pas que celle que l’on veut bien te laisser entendre, celle de la cordialité et de la collaboration pacifiste entre nations.

C’est qu’on se tire un peu la bourre entre pays sur les avancées technologiques et scientifiques, notamment autour des questions nucléaires.

La guerre froide souffle sa paranoïa dans les allées de l’expo 58.

Les espions s’invitent donc à la fête, et Foley se retrouvera surveillé, questionné, pris à parti dans un jeu qu’il ne maîtrise absolument pas.

Si les trahisons qui le préoccupent, lui, sont celles qui se jouent autour de sa vie de couple, une sorte de Dupont et Dupond le mettront en responsabilité de déjouer celles qui se trament entre américains et soviétiques.

Et c’est cette double intrigue dont il est question dans ce roman.

Alors c’est pas maaaaal, mais c’est pas fouuuuu non plus.

Y a un ptit humour à la british, des situations cocasses, mais, à mon goût, ça manque définitivement de tension.

Notre héros, M. Foley, est un peu à la masse, et le charisme n’est pas ce qui le définit. On lui accorde une séduction entre Gary Cooper et Dirk Bogarde, mais ça ne s’arrêtera qu’aux traits physiques. Dommage. Il était pas loin de ressembler à un personnage de Jonathan Tropper, mais son caractère manque de corps.

On l’aurait souhaité un peu plus dans l’initiative et la prise de risque, même maladroite et naïve pour rester évidemment dans l’idée du personnage tel qu’il est pensé.

Au final, on a un bouquin entre deux teintes, semi drôle, à peine politique, dont la lecture n’est pas désagréable parce que l’écriture y est très fluide, mais elle nous glisse justement un peu trop rapidement sous les yeux : j’aurai souhaité être davantage tenue en haleine, ou rire plus franchement.

Mais c’est pas une raison pour partir bouder non plus! Tu as là une bonne occasion de t’instruire sur ce qu’a été l’expo 58. File sur le site de l’INA, et apprend mon ptit :

http://www.ina.fr/video/AFE04002077

La culture, partout, à portée de tes ptits doigts.

« Just kids » de Patti Smith

Patti Smith était « une enfant rêveuse, quelque peu somnambule ». Elle « dessinait, dansait et écrivait des poèmes ».

– « Je n’étais pas douée mais j’avais de l’imagination ».

Son plus cher désir était « d’entrer dans la fraternité des artistes : la faim, leur façon de s’habiller, leurs rituels et leurs prières ». Elle rêvait de « rencontrer un artiste pour l’aimer, le soutenir et travailler à ses cotés ».

Ses songeries de fillette prendront vie, et au-delà de ce qu’elle avait pu imaginer.

A 20 ans, Patti décide de quitter Philadephie pour New York. Un coup du sort le lui permet : un sac oublié trouvé dans une cabine téléphonique, riche du prix du billet vers New York City.

Tout juste arrivée, un autre coup du sort lui fera rencontrer Robert Mapplethorpe, qu’elle recroisera quelques jours plus tard : ils ne se quitteront plus, et se lieront d’un vœu :

« Nous nous étions promis de ne plus jamais nous quitter tant que nous ne serions pas tous les deux certains d’être capables de voler de nos propres ailes. Et ce serment, à travers tout ce qu’il nous restait encore à traverser, nous l’avons respecté. »

Ils seront l’un pour l’autre leur muse respective, et tout entier dévoués à un seul objectif : créer.

Etre artiste est au-delà de toutes disciplines : peinture, écriture, dessin, poésie, photographie, collage,… peu importe ; la sujet ne se pose pas en ces termes. Ils veulent être artistes. Pas chanteur, pianiste, photographe, guitariste. Non. Artiste.

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Parce qu’être artiste se détermine avant tout dans son rapport au monde : en l’occurrence, « voir ce que les autres ne peuvent voir », et insuffler la magie dans ses créations, quelles qu’elles soient.

« On dit que les enfants ne font pas la distinction entre les objets vivants et inanimés ; je crois au contraire que si. Un enfant fait dont à sa poupée ou à son soldat de plomb d’un souffle de vie magique. L’artiste anime ses œuvres de la même façon que l’enfant anime ses jouets ».

Patti Smith et Robert Mapllethopre vont vivre leur art, vont être leur art.

Dans la faim, la pauvreté, leurs petits boulots, leurs plans démerdes, leurs larcins, leurs galères.

Leur amour.

Dans leurs rencontres au cœur du « triangle des bermudes new-yorkais » que constituaient le Brownie’s, le Max’s Kansas City et la Factory, ainsi qu’au Chelsea Hôtel, repaires des artistes.

Andy Wharol, Allen Ginsberg, Jim Morrison, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Judy Linn, Janet Hamill, Sam Wagstaff, Lenny Kaye, Todd Rundgren, Bebe Buell, Danny Fields, Brian Jones, Sandy Daley, Grace Slick , Johnattn Richman, Gregory Corso, Wiliam Burroughs, Lou Reed, Richard Lloyd, Tom Verlaine, Lisa Rinzler, Fred Sonic Smith…

Tu les rencontreras tous et d’autres encore, et il te sera ainsi raconté une époque, grouillant d’artistes qui se brûlaient parfois bien vite les ailes.

« Abattues, la gloire tant désirée à portée de main, des étoiles éteintes tombaient du ciel ».

Patti Smith t’immergera dans les années 60-70, par un récit très détaillé. Je me suis d’ailleurs assez amusée de toutes les précisions vestimentaires qui y sont relevées !

« Just Kids » est fascinant de sa culture beatnik, ses audaces artistiques, ses excès, son déterminisme, ses quêtes, ses errances, ses faits du hasard, ses gens excentriques qui sont là, tout proche, dans ta rue, cherchant à bouger ou exprimer leur monde, …

Il est aussi fascinant bien sûr dans ce qui est le cœur du livre : la relation entre Patti et Robert.

Juste pour eux, on veut bien croire aux légendes des âmes sœurs.

Mais si j’ai fait trois bouchées du bouquin, et j’ai eu encore faim. Quelques jours après avoir refermé Just Kids, je suis fortuitement et heureusement tombée sur un recueil de photo de Judy Linn qui nous montre à voir la chambre du Chelsea et les appartements quelques peu bordeliques des deux amants. J’étais très curieuse de ces photos. Leur univers m’intrigue tant.

C’est que je ne sais pas ce qui m’aimante ainsi, mais vois-tu, je suis totalement envoutée par Patti Smith. Elle porte un monde si manifestement que je trouve cela troublant.

J’ai eu deux fois l’occasion de la voir.

Une 1re en 2011 lors d’un concert en hommage à Allen Ginsberg où elle était entre autres accompagnée par Philipp Glass au piano pour chanter et clamer les poèmes de leur ami. Il y avait cette énergie collective qui transcendait le public, c’était si magique.

Une seconde, par hasard, de manière totalement incongrue, dans un jardin de Venise, où elle psalmaudiait en toute intimité aux côtés d’un poète nordique. Ouep. C’était assez fou ! (j’aime à croire que j’ai aussi mes ptits moments de hasard à moi !)

Je me ferai sous peu une joie d’aller visiter l’œuvre de Mapplethorpe au Grand Palais.

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Sont beaux les ptits hein?